Hélène, bénévole depuis 2011 à Fontenay-sous-Bois

« Je voudrais parler de ma rencontre et de l’accompagnement que j’ai fait pendant 2 ans et demi avec une personne hors norme. Mickey, le locataire que j’ai accompagné, avait passé 8 ans et demi dans le bois de Vincennes, il avait 49 ans. Il avait été dans plusieurs communauté Emmaüs. Les maraudes d’Emmaüs ont fini par le persuader d’accepter un logement de transition. Auparavant, il refusait les hébergements d’urgence.

Mickey a été logé  dans un studio chez Solidarités Nouvelles pour le Logement et je l’ai accompagné en binôme avec Franck. Nous avons été confrontés à quelqu’un de très particulier. Dès l’origine, il tenait à garder sa tente, peut-être pour affirmer sa liberté de rester ou non. Il savait très bien que c’était purement symbolique. Il a considéré le logement comme un enfermement au départ. Pour les gens habitant au bois de Vincennes, rester entre quatre murs paraît au début très difficile. Progressivement, il reconnaissait qu’être à l’abri du froid, du danger, de la violence, ce n’était pas si mal.

Entre nous s’est installée une relation qui m’a vraiment marquée profondément car j’ai été mise devant des réalités que je connaissais peu. Je voyais de temps en temps des gens dans le bois de Vincennes en situation catastrophique. Mais partager des choses avec l’un d’entre eux était intense. Il avait une vision de la société vraiment en marge. J’ai cependant remarqué la fierté qu’il avait d’avoir eu des clés et une boite au lettre. Je me souviens que dès que je lui envoyais une carte postale chez lui, il l’accrochait chez lui. Le fait de lui offrir un abri était important.

Il payait très régulièrement son loyer, pour lui c’était une fierté. Il n’a jamais manqué une seule échéance. Et pourtant, des fois il fuguait, et renouait avec sa vie antérieure, ses amis… Il partait, on a dû appeler la police, on le retrouvait de temps en temps dans un état lamentable. Il avait un mode de vie très différent de nous. Il avait créé beaucoup de lien avec des personnes dans le quartier. Malgré le fait qu’il avait un logement, il avait aussi le RSA, il continuait à faire la manche. Il allait au-delà de certaines conventions. Cela secoue et remet en cause bien des certitudes!

Heureusement, il a été relogé dans une résidence sociale gérée par l’association Joly. Malheureusement, il n’a pas survécu à l’usure, à l’alcool et au tabac. Il est mort cinq mois après avoir été admis, après avoir commencé à s’y faire à son logement. On a eu l’impression d’avoir fait quelque chose, parce que quand même, rattraper  quelqu’un venant du bois de Vincennes, c’est très très difficile. On a tenu le coup Franck et moi, nous étions assez contents. Mickey m’a apporté beaucoup de choses en matière de connaissances humaines. Chez nous, dans notre groupe local de bénévoles, nous n’avons pas le temps d’avoir un égo surdimensionné, on a dépassé ce stade-là. C’est pour ça que ça continue. Je trouve qu’à SNL, on se comprend avec les autres bénévoles, on n’est pas outillé, on avance à l’intuition. L’image que j’ai de SNL, c’est le groupe, la chaleur humaine. »